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Modélisation du réchauffement climatique
12 juin 2019

Dialogue avec le physicien "climato-réaliste" François GERVAIS

 

 Francois Gervais

François GERVAIS est un universitaire physicien, chercheur et professeur émérite à l'Université de Tours.

Il défend des idées "climato-sceptiques", en ce sens que par exemple il pense que le rôle des émissions de CO2 est négligeable dans le réchauffement climatique. Pour ceux qui voudraient connaître son argumentation précise là-dessus, je les renvoie au lien déjà donné dans le message précédent:

https://solidariteetprogres.fr/francois-gervais.html

Il a aimablement accepté d'entamer un dialogue avec moi, et donc voilà les premières remarques et questions que je lui soumets:

eric zeltz

Monsieur Gervais, vous êtes un physicien reconnu, auteur de nombreuses publications avec comité de lecture, donc je n'ai a priori aucune raison de remettre en cause ce que vous affirmez dans le strict domaine des sciences physiques.

Donc je partirai de l'affirmation que vous faites concernant le CO2: le rôle qu'il joue dans l'effet de serre est pratiquement arrivé à saturation depuis longtemps et donc l'accumulation supplémentaire de CO2 dans l'atmosphère ne joue plus qu'un rôle négligeable dans l'augmentation de température actuelle.

Il n'en reste pas moins vrai qu'il y a une augmentation accélérée de la température moyenne du globe comme le montre clairement le graphique suivant:

TEMPERATURE MONDIALE

Donc, il faut lui donner une explication.

Si je vous ai bien compris (vous me corrigerez si nécessaire), vous mettez cette explication essentiellement dans des causes naturelles (regain de l' activité solaire, cycles de 60 ans, etc...), l'origine anthropique de cette augmentation étant pour vous négligeable.

Là vous me convainquez beaucoup moins. A mon avis les causes naturelles et non anthropiques que vous donnez sont largement insuffisantes pour expliquer le graphique précédent.

Voilà plutôt comment je vois  les choses:

Quand j'étais gamin (je suis né en 1955), nous étions environ 3 milliards sur Terre. Nous sommes maintenant plus de 7 milliards. Donc plus de 4 milliards d'individus en plus. Essayons d'estimer "à la louche" l'energie dissipée en chaleur par chacun de ces 4 milliards d'individus supplémentaires:

Déjà il y a celle qu'il dégage lui-même pour maintenir sa température à 37°C, pour se déplacer physiquement, pour travailler, pour dormir, etc. Je dirai de l'ordre d'environ 100wh. Puis il utilise au moins  de temps en temps un moyen de transport mécanique à moteur thermique, il chauffe ou climatise sa maison, fait cuire ses aliments, passe l'aspirateur, utilise un ordinateur, s'éclaire, etc...: je rajoute 400wh. Pour construire sa maison, sa voiture, ses appareils electroménagers, etc..., il a fallu utiliser de l'énergie dont une partie s'est dissipée en chaleur que je moyennise à environ 200wh. Plus tout ce que j'oublie certainement dans mon décompte (par exemple pour la construction des infrastructures dont il bénéficie), 300wh en plus.

J'en suis à 1000wh par individu, ce chiffre n'étant bien sûr qu'un grossier ordre de grandeur, vu la "qualité" de mes estimations. Mais jusqu'à preuve du contraire que vous me donnerez peut-être, je pense qu'on ne doit pas être trop loin de la réalité, donc je partirai de ce chiffre.

Donc actuellement, par rapport à l'époque où j'étais gamin, il se dissiperait en plus en chaleur: 1000 X 4 milliards wh= 4000 milliards de wh.

Quand j'étais gamin, mon père avait acheté un gros radiateur electrique d'une puissance de 1000w. En plein hiver, et à l'époque ils étaient souvent froids dans l'Est de la France, ce radiateur suffisait amplement pour chauffer 3 grandes pièces de notre maison. Donc, actuellement, à cause des 4 milliards de personnes en plus, il y a l'équivalent sur terre de 4 milliards de radiateurs d'une telle puissance. Sans compter que les autres 3 milliards ont certainement augmenté leur dissipation de chaleur du fait de l'augmentation constante de la consommation moyenne par individu depuis ces années 60.

Donc on en est certainement à l'équivalent d'au moins 6 milliards de gros radiateurs de 1000w en plus par rapport aux années 60. Ce n'est pas rien, non?

Bien sûr, cette chaleur se dissipe dans l'atmosphère, mais l'effet de serre en confine une grande part dans le bas de l'atmosphère.

Voilà donc pour moi la cause principale qui explique cette augmentation de la température moyenne du globe relevée à sa surface: c'est tout simplement la dissipation directe de chaleur supplémentaire provoquée par l'augmentation de la population humaine et confinée par l'effet de serre dans les couches les plus basses de l'atmosphère.

Alors vous allez certainement me dire que cette chaleur supplémentaire d'origine purement anthropique est infime par rapport à la chaleur apportée par le Soleil et même par rapport à la chaleur tellurique issue de la Terre. Certes, mais on ne peut nier qu'elle augmente d'années en années et qu'avec son confinement dans les basses couches de l'atmosphère, elle s'y accumule lentement et surement.

Un peu comme si au fond d'une piscine subissant la température ambiante supposée parfaitement stable, on avait posé une petite résistance électrique et qu'on augmentait exponentiellement l'intensité du courant qui la traverse: les effets finiraient par se voir dans la température de l'eau, aussi petite que soit cette résistance et aussi grande que soit la piscine.

Une autre comparaison pour expliquer le phénomène:

Qu'est ce qui explique que les grosses fourmilières à dôme qu'on trouve souvent en forêt européenne gardent même au coeur de l'hiver une température supérieure à 20°C?

 

fourmiliere

 

Non pas un phénomène naturel extérieur, mais uniquement la chaleur dégagée par l'activité des fourmis qui est piégée par les aiguilles de pins et les branchettes d'arbre qui tapissent le dôme, et aussi par la neige qui tombe sur la fourmilière. Toutes proportions gardées, l'activité des fourmis et la chaleur qu'elles dégagent correspondent à l'activité humaine incessante et dissipant sans arrêt de la chaleur dans la troposphère. Et l'isolation thermique de la fourmilière correspond à l'effet de serre dû à la vapeur d'eau et au CO2 présents dans l'air. Et il est clair que si la population de la fourmilière se met à croitre, sa température suivra, sauf si les fourmis s'emploient à augmenter le volume de la fourmilière, ou si elles parviennent à réguler sa température d'une manière ou d'une autre (elles en sont capables, les diablesses! Ce sont des insectes extraordinaires). Pourquoi n'en serait-il pas de même s'agissant de la température terrestre, surtout quand la population humaine passe de 3 milliards à plus de 7 milliards en une soixantaine d'années?

D'où à mon avis ce réchauffement global, insidieux pour l'instant (+ 0,6°C en 50 ans, ce n'est pas grand chose) mais qui, si c'est vraiment la bonne explication, ne pourrait que s'accélérer en même temps que la population humaine et son activité économique trépidante.

En tous les cas, ce point de vue est corroboré par la très forte corrélation qu'il y a entre les augmentations de la population, de la température moyenne terrestre et de l'activité économique traduite par le PIB, comme le montrent très clairement ces trois graphiques mis côte-à-côte:

                         pop mondiale                     TEMPERATURE MONDIALE          PIB MONDIAL

 Je doute très fort que ce soit le cas avec le graphique de l'activité solaire ou d'autres phénomènes purement naturels mis en parallèle avec l'augmentation de la température sur ces 60 dernières années. Mais vous allez peut-être tenter de me montrer que c'est bien le cas.

En attendant, je vous soumets le petit modèle mathématique (décliné sous deux hypothèses) que j'ai mis au point et qui découle de mon approche:

modele_temp

Que pensez-vous de tout cela?

 Francois Gervais

La présentation lissée que vous amenez laisse croire que la température a atteint un sommet récent et continuerait à croitre. Il est vrai qu’il y a eu un pic El Niño en 2016, phénomène reconnu comme naturel par les climatologues, mais la température est dégringolée de 0,65°C aussi vite qu’elle est montée. Hors telles fluctuations, les données mensuelles montrent que la température n’a pas varié de façon significative depuis 20 ans, ce qui est à peu près cohérent avec le sommet du cycle de 60 ans:

int10

 

De plus, je ne considère pas que l'évolution de la température provenant des émissions de CO2 d'origine anthropique soit négligeable comme le soulignent les titres de mes deux articles publiés dans des revues internationales à comité de lecture où le mot « anthropogenic » est bien présent

Gervais, F., 2016. Anthropogenic CO2 warming challenged by 60-year cycle. Earth-Science Reviews 155, 129-135 

Gervais, F., 2014. Tiny warming of residual anthropogenic CO2Int. J. Modern Phys. B 28, 1450095

mais moindre que l’évolution naturelle, ce qui n’est pas la même chose.

Enfin, reprenons votre chiffre de 6 milliards de gros radiateurs de 1000 w. Divisons-le par la superficie de la Terre pour comparer à la chaleur moyenne reçue du soleil et renvoyée par la Terre vers l’espace par émission thermique : 238 w/m2.

6 1012 w/510 1012 m2 = 0,012 w/m2

Est estimée à 0,03 w/m2 la chaleur dégagée par la combustion de charbon, gaz, pétrole, valeur du même ordre de grandeur que votre propre estimation. Dans les deux cas, ces estimations restent très inférieures au rôle du soleil. Elles sont même très inférieures au forçage radiatif estimé page 13 du cinquième rapport AR5 du GIEC : entre 1,1 et 3,3 w/m2.  

eric zeltz

Ci-dessous un autre graphique présentant l'évolution des températures depuis 1880:

planete-temperature-1880

 

Votre cycle de 60 ans y est totalement  invisible . Je vois bien sur les 60 premières années 1880- 1940 une descente puis une remontée. Mais après un "plat fluctuant" sur 30 ans (1940- 1970).  Par contre la tendance générale à réchauffement à partir des années 1970 est très nette. Le replat final observé à partir de 2010 n'est à mon avis pas du tout suffisant ni assez long pour pouvoir être interprété comme un ralentissement qui risque d'être durable. C'est certainement une simple fluctuation, comme on en voit à d'autres périodes, mais très loin d'être suffisante pour pouvoir actuellement remettre en cause cette tendance au réchauffement observée au moins depuis 50 ans. On va donc dire un seul cycle vraiment visible sur une durée de 130 ans, on ne sait pas ce qu'il y a avant ni après, je trouve que vous allez très vite en besogne.

Par ailleurs, si on lit vos articles ou visionne les différentes vidéos où vous présentez vos positions, on constate que vous affirmez régulièrement que le passage de 3 à 4 ppm de CO2 dans l'atmosphère en quelques décennies n'a joué ou ne jouera qu'un rôle très faible dans le réchauffement. De l'ordre à peine de quelques dixièmes de degré. Cela parce que d'après vous ce rôle d'effet de serre joué par le CO2 est arrivé depuis longtemps à saturation. C'est bien cela? Or je vois que dans votre réponse vous prenez comme argent comptant les derniers chiffres donnés par le GIEC concernant cet effet de serre supplémentaire (forcage radiatif): entre 1.1 et 3.3 w/m². Je ne comprends pas, car eux ne le considèrent pas comme négligeable mais en font la cause principale de ce réchauffement. Il faut que vous m'expliquiez ce qui me paraît pour l'instant une contradiction de votre part et qui n'en est sans doute pas une. 

Concernant enfin mon petit calcul sur l'apport calorifique provenant directement de l'activité humaine, je savais bien sûr qu'il était infime par rapport à l'apport solaire. Mais j'ai amené deux comparaisons (celle de la petite résistance dans la piscine et celle de la fourmilière à dôme) pour montrer qu'il peut tout de même avoir une influence, au moins à long terme, et nous sommes  bien sur des périodes à long terme. Vous n'en tenez pas compte.

De toute façon je ne vois toujours pas d'autre cause principale qu'une origine anthropique au réchauffement, et le modèle que j'ai ébauché ci-dessus et que je suis en train de rédiger plus sérieusement dans le dernier message de mon blog part d'une réalité à mon avis incontestable (mais que vous allez peut-être contester): la corrélation de l'évolution de la température avec celles de la population et de l'activité économique, que le forcage radiatif en soit ou pas un élément accélérateur.

Soyons précis. Le CO2 n’est pas passé de 3 à 4 ppm en quelques décennies, mais en un siècle de 0,03 % à 0,04 %, soit 410 ppmv (parties par million en volume) aujourd’hui. Certes, la température est montée de 0,6°C entre 1975 et 2010 (en 35 ans) mais l’amplitude de cette hausse est pratiquement la même qu’entre 1910 et 1945 (également en 35 ans) alors que durant cette première hausse, les émissions de CO2 étaient 6 à 10 fois inférieures à ce qu’elles sont aujourd’hui, ne plaidant pas en faveur d’une corrélation.

eric zeltz

C'est entre autres ce qui me fait penser que c'est l'augmentation accélérée de la population et de l'activité humaine qui explique principalement cette montée de la température depuis 1900. Regardez ce graphique:

Un_millénaire_de_croissance_mondiale

Avant 1900 il aurait pu y avoir tout le CO2 du monde dans l'atmosphère, il n'y avait ni population humaine suffisante, ni activité humaine suffisante pour "chauffer" la basse atmosphère. Pour en revenir à ma comparaison avec la fourmilière à dôme: aussi bien isolée soit elle, s'il n'y a que peu de fourmis à son intérieur et qu'en plus elles dorment,  la température ne risquera pas de monter à plus de 20°C à son intérieur en plein hiver.

Par contre, après 1900, montée exponentielle de ces deux paramètres, cela explique pour moi ce +0,6°C entre 1910 et 1945, et celui entre 1975 et 2010.

Les trente ans de "pause fluctuante" entre 1945 et 1975 font partie des fluctuations possibles et ont certainement une explication naturelle.

Francois Gervais

Par ailleurs, en dépit d’un lissage, votre courbe montre un palier depuis le début de ce siècle et non pas une prolongation de la hausse. Les données mensuelles montrées plus haut confirment le palier depuis le début de ce siècle aux fluctuations près.

eric zeltz

Palier? Les quatre dernières années 2015, 2016, 2017 et 2018 furent les plus chaudes jamais enregistrées depuis l’ère industrielle,.

Francois Gervais

Un astronome, Nicola Scafetta (Scafetta, N., 2009. Empirical analysis of the solar contribution to global mean air surface temperature change. J. Atmos. Sol. Terr. Phys. 71, 1916) compare les fréquences de cycles climatiques issus d’une analyse de Fourier des températures de la Terre, à la vitesse du soleil par rapport au centre de gravité du système solaire. La comparaison est trop frappante pour être due au seul hasard. Le cycle de plus grande amplitude (l’échelle verticale est logarithmique) est celui de 60 ans. 

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Par la suite, lui et d’autres (Stefani, F., et al, 2016. Synchronized helicity oscillations: a link between planetary tides and the solar cycle? Solar Physics doi:10.1007/s11207-016-0968-0) relieront ce cycle à un effet de « marée » (sur le soleil) des grosses planètes du système solaire. 

eric zeltz

Pas convaincu du tout, car en cherchant bien et en trafiquant un tantinet, on arrive à peu près à mettre en phase tout avec n'importe quoi. Et j'aimerai connaître le principe de ces "marées" solaires et comment elles interagisseraient avec la température sur terre.

Francois Gervais

En ajoutant au cycle de 60 ans le cycle de 20 ans qui le suit par ordre d’amplitude décroissante, Scafetta et al, 2017 (Natural Climate Variability. Int. J. Heat & Technology DOI: 10.18280/ijht.35Sp0103) aboutissent à une simulation quasi parfaite de l’évolution récente de la température (en jaune), plus proche des observations que les projections du GIEC, ici en vert. 

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 eric zeltz

Quasi-parfaite!? Vous trouvez? Il n'y a que la foi qui sauve. Mais quand on est comme moi un pauvre incroyant dans ce domaine astrologique, on ne détecte pas du tout cette perfection.

Francois Gervais

J’insiste sur le fait que ce sont bien les données mensuelles UAH et RSS auxquelles le modèle à cycles de 60 et 20 ans est comparé. Ces données mensuelles sont acquises par satellites (depuis qu’ils existent en 1979), procédé qui fournit des valeurs plus homogènes que celles de capteurs inégalement répartis à la surface de la planète. En particulier, nombre de capteurs qui se trouvaient il y a 140 ans en pleine campagne se retrouvent maintenant en zone périurbaine, soumis qui plus est à l’effet d’îlot de chaleur urbain dans les grandes villes, quand ce n’est pas à côté d’un aérodrome. Si l’on veut connaître la température d’une pièce, mieux vaut éviter de mettre le thermomètre sur un radiateur. 

eric zeltz

Certes. Ceci dit, les "ilots de chaleur" que constituent les innombrables mégapoles qui se sont étendues depuis une cinquantaine d'années doivent être pris en compte dans le calcul de la température moyenne et participent de plein fouet à valider mon hypothèse concernant la cause du réchauffement climatique.

Francois Gervais

Comme le rappelait Fleming dans Environmental Earth Science en 2018, on n’observe pas de corrélation entre CO2 et température de la Planète.   

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eric zeltz

Cela ne prouve rien pour la période actuelle. Car ce qui peut être vrai à l'échelle des millions d'années peut être complétement faux à l'échelle du siècle. Par exemple pour les périodes volcaniques intenses qu'a traversées la Terre, il devait y avoir beaucoup de CO2 et en même temps un refroidissement.

Francois Gervais

 Ceci implique une faible sensibilité climatique au CO2. Dans l’hypothèse d’une sensibilité climatique de 1°C, valeur sans rétroaction reprise par le GIEC, un doublement ou une division par deux du taux de CO2 entraine une variation de température de 1°C, petite devant les températures sur l’échelle de droite. 

La molécule de CO2 émet à haute altitude le rayonnement précisément aux fréquences de vibration auxquelles, non pas elle-même mais ses homologues l’ont absorbé à faible altitude. On les observe dans la partie infrarouge du spectre. La figure suivante montre le spectre d’émission de l’atmosphère vers l’espace à une altitude de 20 km. A cette altitude, la température est proche de 220 K, soit –57°C ; la vapeur d’eau s’est raréfiée et trône au milieu du spectre la vibration du CO2 à 667 cm-1 (15 micromètres de longueur d’onde). Elle est importante car proche du maximum d’émission de l’atmosphère. 

Lorsque double la concentration de CO2 dans l’atmosphère, passant ici de 300 ppm à 600 ppm, le spectre évolue très peu (de vert à bleu). C’est le point important. La figure est calculée car on ne dispose pas encore du recul nécessaire pour mesurer un si petit écart par satellite. Avec seulement 410 ppm de CO2 aujourd’hui et une augmentation annuelle de l’ordre de 2 ppm (sauf pendant un pic El Niño), on reste encore loin de doubler. 

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En cas de doublement, ce très petit écart correspond à seulement 1 % du rayonnement terrestre vers l’espace. Il correspond aussi à une sensibilité climatique de 1°C, sans rétroaction, comme calculé plus loin. On remarque en particulier la « saturation » de la bande du CO2 autour de 667 cm-1 puisque courbe verte et courbe bleue se confondent. 

eric zeltz

Ici, on est précisément dans le coeur de votre domaine de compétences, et jusqu'à preuve du contraire provenant d'un de vos pairs aussi qualifié que vous dans ce domaine des sciences physiques, je vous suis entièrement sur ces points précis.

Francois Gervais

Cette évolution infime est confirmée par l’absence d’évolution de température significative des mesures satellitaires depuis qu’elles existent, ici à une altitude de 10 km. La période correspond tout de même à 60 % des émissions depuis le début de l’ère industrielle ! Sans effet significatif sur la température. 

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eric zeltz

A 10km du sol, l'effet de serre joue-t-il un rôle aussi important qu'au ras du sol? Si ce n'est pas le cas, ça peut expliquer cette absence d'évolution de la température. Donc pour l'instant au moins, ce graphique n'est  pas probant pour moi.

Francois Gervais

 On n’observe pas davantage d’évolution significative de la température mesurée spécifiquement sous les tropiques, là où les modèles avec des sensibilités climatiques élevées, repris par le GIEC, attendent en vain la signature de « points chauds » pour être validés. 

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eric zeltz

Je sais bien que la Guyane où je réside c'est plus l'Equateur que les Tropiques, mais on y constate bien un réchauffement:

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Francois Gervais

Une sensibilité climatique de 1°C, hors rétroaction, est assez facile à retrouver. Myrhe et al (Myrhe, G., Highwood, E.J., Shine, K.P., Stordal, F., 1998. New estimates of radiative forcing due to well mixed greenhouse gases.Geophys. Res. Lett. 25, 2715) évaluent un forçage radiatif DF = 5,35 x ln(C/C0). ln est le logarithme népérien. Le facteur multiplicatif 5,35 a été estimé à partir de trois modèles de climat. Ces modèles de climat ne tiennent toutefois pas compte des cycles naturels. C0 = 410 ppmv et C sont les concentrations actuelle et future de CO2 dans l’air. En cas de doublement (passés de seulement 0,03 % à 0,04 %, on en reste loin) C/C0 = 2 et le forçage radiatif devient DF = 5,35 x ln(2) = 3,7 W/m2. Avec l’hypothèse d’un système Terre/atmosphère rayonnant comme le corps noir et en différentiant la loi de Stefan-Boltzmann sous la forme DF/F = 4 DT/T, où F = 238 W/m2 est le flux thermique moyen émis vers l’espace, T la température de la Terre, celle-ci s’échaufferait alors de 

DTCO2 x 2, Myrhe = T/4 x DF/F = 288/4 x 3,7/238 ~ 1°C. 

Pour ma part, j’ai montré que, à l’instar de nombreux autres auteurs (85 travaux publiés montrant une sensibilité climatique inférieure ou égale à 1°C, cf. liste compilée par Pierre Gosselin : notrickszone.com/50-papers-low-sensitivity) cette valeur pourrait être exagérée.

eric zeltz

Pas de raison de contester ces calculs, même si considérer le système Terre/atmosphère rayonnant comme le corps noir est sans doute être assez loin de la réalité. Mais j'accepte l'ordre de grandeur de 1°C pour un doublement de CO2.

Francois Gervais

Depuis 20 ans, le CO2 augmente en moyenne dans l’air de 2 ppmv par an ; davantage pendant un épisode El Niño car les océans qui contiennent 60 fois plus de CO2 que l’atmosphère en relâchent pendant les bouffées de chaleur des océans. Ainsi, même avec une sensibilité climatique peut-être exagérée de 1°C mais qui a l’onction du GIEC, d’ici 50 ans, les émissions anthropiques pourraient échauffer la Planète au plus de 0,3°C. De quoi paniquer ? De quoi verser dans le syndrome carbocondriaque ?

Sur une concentration actuelle de 0,04 % de CO2 dans l’air, la fraction anthropique représente tout au plus l’augmentation de 0,01 % observée depuis un siècle. La France n’est responsable que 0,9 % des émissions mondiales de CO2. Avec une sensibilité climatique de 1°C, réduire de 20 % les émissions françaises éviterait un réchauffement climatique de l’ordre de 

20 % x 0,9 % x 0,01 %/0,04 % x 1°C = 0,0004°C. 

Les réduire de 40 % (à quel coût économique, social, et à quel niveau de taxation supplémentaire ?) éviterait un réchauffement de même pas un millième de degré… 

L’Europe et les États-Unis sont bien seuls à réduire leurs émissions quand tous les autres pays les augmentent dans des proportions très supérieures…  

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 eric zeltz

La question n'est pas de savoir si notre action personnelle ou nationale changeront à elles seules quelque chose, la question est de savoir ce qui doit être fait collectivement pour le bien des générations futures. A mon avis par une prise de conscience collective, il faut  tendre à stabiliser progressivement la population mondiale et sa production industrielle. Utiliser en priorité des energies propres (hydraulique, forces des marées et du vent, nucléaire, c'en est une pour moi, etc...). Eviter de consommer inutilement, ce qui ne veut pas dire nécessairement vivre comme un moine. Et d'accord, le CO2 nourrit les plantes mais il y en a bien assez comme cela, je parle du CO2, pas des plantes. Bref, trouver ou retrouver une certaine sagesse collective, tout simplement.

Cela dit, je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas se focaliser exclusivement sur les emissions de CO2. J'allais dire c'est secondaire.

Retrouvons tous une vie plus authentique et plus sage, et tout le reste viendra par surcroit.

Bilan personnel de ce débat:

Je tiens d'abord à nouveau à remercier François Gervais d'avoir accepté ce dialogue.

C'est la première fois que je réfléchissais vraiment sérieusement à la question du réchauffement climatique, et grâce à lui, j'ai pu sortir un peu des idées assez vagues que j'avais sur la question, glanées à droite et à gauche au hasard des journaux télévisés ou des articles lus dans la presse.

Déjà ce dialogue m'a permis d'ôter de ma tête cette idée apparemment de bon sens que je m'étais forgée: le réchauffement actuel ne serait qu'une conséquence directe des déperditions de chaleur provenant de l'activité humaine (cf mes premiers échanges avec François Gervais). Je me suis longtemps accroché à cette idée, mais que je le veuille ou non, cet apport est infime par rapport aux autres apports de chaleur (notamment et surtout provenant du soleil) et on n'est pas dans une cocote-minute fermée ( cf. ma comparaison avec les fourmilières à dôme) où la chaleur resterait en grande partie coincée  par l'effet de serre comme le fait le couvercle d'une casserole qu'on a mise sur le feu.

Donc rien que pour me retirer cette fausse idée de ma tête, ce dialogue a été positif pour ce qui me concerne. Par contre je continue à penser que le réchauffement actuel est essentiellement d'origine anthropique, même si je n'en ai pas encore l'explication complète (mais je ne suis pas le seul!).

Ensuite, il y a le point crucial: la question du rôle du CO2. François Gervais pense qu'en cas de doublement de CO2 dans l'atmosphère, la température ne monterait pas de plus de 1°C, il pense même moins. Il m'en a donné un calcul, et je suis allé voir aussi les articles scientifiques qu'il a écrits là-dessus. Je ne suis pas spécialiste de ce domaine, même pas physicien, mais cela me paraît solide et cohérent.

Le GIEC, quant à lui, annonce des chiffres beaucoup plus importants: 4 ± 2.4 °C, donc minimum +1.6°C en cas de doublement de CO2, et d'après lui certainement plus. J'ai cherché sur le net l'explication scientifique et le calcul précis qui permet au GIEC d'aboutir à leur résultat. Je ne l'ai pas trouvé.

François Gervais explicite rapidement dans son article publié en 2014 (dans  François Gervais, « Tiny warming of residual anthropogenic CO2 », International Journal of Modern Physics Bvol. 28,‎ 11 mars 2014, p. 1450095 (ISSN 0217-9792,) comment le GIEC a obtenu ce résultat, mais j'aimerais assez qu'un membre du GIEC me confirme et détaille la démarche qui a permis d'obtenir ce résultat.

Aussi je vais prochainement contacter  un scientifique de GIEC pour qu'il me les précise et qu'ainsi  je puisse confronter ces deux approches qui aboutissent à des résultats aussi différents. Je verifierai par la même occasion si les membres du GIEC sont aussi ouverts que François Gervais au dialogue sur la question avec le simple citoyen que je suis.

A ce propos, je précise que je n'ai fait et ne ferai a priori aucun procés d'intention, comme on en voit régulièrement et provenant des deux camps:

Les "climato-réalistes" pensent souvent que les gens du GIEC travaillent tous dans le même sens de "Attention, y-a la maison Terre qui brule!" essentiellement pour que leurs laboratoires continuent à être grassement subventionnés par des organismes comme Green-Peace et autres.

Les "pro-GIEC" affirment souvent que des gens comme François Gervais roulent uniquement pour la prospérité des trusts pétroliers, et sous-entendu sont payés par eux.

Non, autant j'ai considéré au départ (et continue à considérer) François Gervais comme un scientifique sérieux, mettant ses compétences uniquement au service de la seule vérité scientifique, autant j'aurais a priori une attitude semblable vis-à-vis du scientifique du GIEC qui voudrait bien répondre à ma demande. 

Cela dit, il y a un fait: "Le catastrophisme, la peur d’un futur climatique, a l’avantage de focaliser l’attention des médias et finalement d’attirer plus facilement les crédits de recherche dans les équipes qui le mettent en avant. A l’opposé, les scientifiques qui discutent de l’incertitude des modèles, qui montrent, connaissance du terrain et de la société à l’appui, que de nombreux facteurs autres que climatiques expliquent la fragilité de certains territoires et de certains groupes humains, sont eux moins médiatiques et in fine, disposent de moins de moyens pour leur recherche." (d'après Gérard Beltrano dans un article publié en 2010 et qui fait une excellente synthèse du point de vue des géographes: https://journals.openedition.org/echogeo/11816)

Donc sans remettre en cause leur honnêteté, on peut tout de même penser que les climatologues du GIEC ne sont pas totalement impartiaux et que des considérations bassement économiques orientent peut-être un tant soi peu les résultats. C'est si facile de changer un petit paramètre dans le sens qui arrange.

C'est pourquoi j'attends beaucoup que l'un d'eux réponde clairement à la question précédente sur leur calcul en cas de doublement de CO2.

 

Enfin, il y a l'explication globale donnée par François Gervais: cycles de 60+20 ans avec hausse de 0.6°C par cycle pour décrire l'évolution de la température depuis le début de l'ère industrielle. Ces cycles étant d'après lui en phase avec les vitesses du centre de gravité du système solaire, ce qui donnerait l'explication de ces cycles, par un phénomène de "marées" solaires.

Comme je l'ai dit, cela ne m'a pas convaincu: déjà pour l'existence des cycles mêmes, ensuite par l'explication donnée par François Gervais de la présence de ces cycles, à supposer qu'ils existent vraiment.

En conclusion, je termine par ces questions:

 

1- A supposer que le GIEC ait raison: comment explique-t-il le +0,6°C de 1910 à 1945, donc une hausse aussi importante que de 1975 à 2010, et cela pour une période où il y avait beaucoup moins de CO2 dans l'air?

2- A supposer que François Gervais ait raison, quelle est son explication du +0,6°C par cycle?

3- Quant à moi, mon hypothèse étant que la hausse perçue depuis 1910 est en grande partie d'origine anthropique, mon argument essentiel étant la forte corrélation qu'il y a entre augmentation de la température, de la population mondiale et du PIB mondial, je n'arrive pas pour l'instant à expliquer le "plat fluctuant" qu'on observe de 1945 à 1975, donc sur 30 ans tout de même.

Voilà où j'en suis pour l'instant de ma réflexion et de mes questions sur le sujet .

 

 

 

 

 

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